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Une fois n'est pas coutume, je prends la plume en cours d'étape. Il est 12:30, j'ai fait 13 Km, peu. Il fait une chaleur à crever aujourd'hui et je me suis donc arrêtée, à l'écart du camino, dans l'unique bar de ce petit village, le long de la RN120.
Une fois n'est pas coutume, j'ai mis de la musique dans les oreilles, j'écoute Fink pour la première fois depuis deux semaines. Cela doit faire trois ans que je n'ai pas passé autant de temps sans l'écouter, lui. C'est un peu comme retrouver un ami. Je connais chaque note de chaque chanson de chaque album. Il couvre un peu le bruit des camions ("camions couverts de boue, camions aveugles, camions fous…") et me tient belle compagnie pour écrire mon journal.
J'ai quitté, à regret, Acacio et Orietta à 8h30 ce matin. Le réveil fut délicieux, à hauteur du reste. Pas une alarme à l'horizon, pas un interrupteur intempestif, un réveil aussi doux que l'endormissement…
L'auberge coutait 5 euros et le reste était à la discrétion du pèlerin… J'ai donc donné 15 euros en plus. 20 euros est au minimum ce que m'aurait couté une demi-pension dans une auberge classique et celle-ci est tellement exceptionnelle que je ne pouvais envisager de laisser moins.
J'ai fait une très bonne action hier… Cornelia, allemande d'une bonne cinquantaine d'années, souffrait affreusement de la jambe droite à cause d'une sciatique. Je lui ai proposé un rapide massage thaï de cette jambe là. Je n'ai pas promis une amélioration mais promis d'essayer de faire ce que je savais faire… Et bien figurez-vous qu'elle m'embrassait comme du bon pain le soir-même et encore plus le lendemain matin : elle a passé sa première nuit sans douleur. Lorsque je l'ai croisée de nouveau à Belorado, 8 Km après l'auberge, elle marchait sans peine. Du coup, je suis invitée à Berlin ! Elle espère vraiment m'y voir et j'espère vraiment m'y rendre… Elle m'appelle désormais son "ange du camino". Si j'avais su que j'étais un ange ! Nous nous sommes données une belle accolade émouvante sur la Plaza Mayor de Belorado avant que je me remette en route… Emouvante et authentique bonne femme, encore une !
Allez, je vous avais promis une description d'autres types de pèlerins après le faux sage / vrai vantard… Je m'y colle ! (j'ai du temps, il fait trop chaud, même pas en rêve je repars tout de suite !).
- Le PGV (Pèlerin à Grande Vitesse) dont Jean le Breton fait partie, mais pas Yolande, Madame Terminator. En effet, contrairement aux PGV, Yolande était souvent la dernière à quitter l'auberge… pour pouvoir doubler tout le monde ensuite et les narguer en haut d'une côte en fumant sa cigarette… (gnark !). Non, par définition, le PGV, tu ne le vois pas deux fois. Premier couché (vers 21h), premier levé (vers 5h), son objectif est clair : avaler un maximum de kilomètres chaque jour et arriver à Santiago le plus vite possible. Comme ça c'est fait. Tenir un journal ? Tu plaisantes ! Il est en train de préparer sa boisson isotonique pour demain, se mettre du voltarène et manger des pâtes sans assaisonnement. Il ne boit que de l'eau, ou son isotonique machin, ou son energy bidule et c'est souvent lui qui jette ses papiers de barres énergétique par terre sur le chemin car, faut le comprendre, il a vraiment pas le temps de chercher une poubelle…
(Nom di Diou ! Je viens d'apprendre que l'Espagne a gagné 2-0 contre la France au foot hier ! Coooool ! Les espagnols vont être tout gentils avec moi !)
- La Meute Pèlerine (ou, au choix, le troupeau, la harde, …) : dans sa version minimaliste, ils sont deux, souvent frère et soeur, ou potes, ou beau-frère et belle-soeur, bref, ils ont commencé ensemble, ils finiront ensemble, ils marcheront ensemble, parleront (sans arrêt) ensemble et... ne se souviendront de presque rien à part les ronfleurs, les péteurs des auberges qu'ils commentent longuement en début de journée... Au cours de la soirée leur conversation préférée est à peu près ainsi : "ouuuuh, lui il a une tête de péteur lui ! Je suis prête à parier qu'il va nous embaumer le dortoir celui-là... On a bien fait de se mettre de l'autre côté ! Pourvu qu'on bouffe pas des fayots ce soir !"...
Ha je ris, je ris... mais encore, ceux-là, il est relativement simple de les éviter. Car dans la catégorie moins minimaliste, ils sont 4, 5, 6... et là c'est tout un programme ! En fait c'est assez simple : l'auberge, le bar, le restaurant, le chemin, et ben en fait, tout ça, c'est à eux. Le reste du monde, moi, les autres pèlerins solitaires, les petites meutes, les hospitaliers, les locaux, on n'est tous que vaguement tolérés, en grande partie invisibles...Pousse toi d'là qu'j'm'y mette, attention on arrive, on parle fort, très fort, on occupe les lieux, on fait du bruit avec nos sacs à 5h du matin, on allume la lumière du dortoir parce qu'on n'y voit rien et le soir, quand tout le monde est aux portes du sommeil, on entre dans le dortoir comme chez soi, s'esclaffant de la dernière blague du copain...
J'ai déjà dit vivement la tente ? Non ? VIVEMENT LA TENTE !!
Bon hey, je caricature un peu hein, sinon c'est pas drôle... Et surtout, ces gens là ne représentent aucunement le pèlerin moyen, et celui-ci j'y viens, je vous le conte, au fil de ces pages. Et malgré les quelques nuisances humaines, que de belles rencontres déjà... et à venir. Quel beau chemin...
Il est 14:10. Je devrais me remettre en route. Il me reste 9 Km à faire. Ils ne vont pas être simples. D'abord parce que ce sont les 9 derniers. Ensuite parce qu'il fait TRES chaud. Mais aussi parce que ça monte. Tout le temps.
Je suis motivée cependant car, ce soir, j'ai décidé de m'isoler du monde. Ce soir je dors sous la tente. Je ne l'ai pa sortie depuis Puente La Reina. Et surtout j'ai une occasion en or : dormir dans la forêt "Montes de Oca". Il y a une fontaine... si elle n'est pas sèche, si elle est potable (... prendre de l'eau à Villafranca !). Et j'adore l'idée de dormir dans cet endroit autrefois le plus redouté des pèlerins : loups et bandits y avaient élu domicile... Les temps ont changé, souvent pas pour le mieux : demain je me tape la zone industrielle de Burgos donc bon... profiter d'une forêt désormais sans loups (pour les bandits on verra bien...) m'enchante !
Si jamais vous n'entendez plus parler de moi, c'est que mon corps est enterré par là ! Hahaha !
xxx
- comments
mom comme c est bien l humour !! rire des différents égos !! il faut de tout pour faire un monde !même sur le chemin de compostelle ; et nadège dort dans un bois!!!!même pas peur!!