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Etape 1 : Burgos - San Bol (27 Km)
Etape 2 : San Bol - Castrojeriz (14 Km)
J'étais bien déterminée à suivre les conseils de mon coach Chris que j'avais eu au téléphone la veille : il fallait que je prenne un jour de congé ! Un jour de repos total, à ne rien faire du tout, et surtout pas marcher. Je ne l'ai effectivement pas fait depuis le début même si j'ai fait des "petites" journées à la place. Il faut dire que c'est très étrange mais ce camino exerce une attraction très intense. Il est très difficile de se lever le matin et de ne pas prendre la route. Ce n'est pas du tout un sentiment de culpabilité, en tout cas me concernant, mais clairement de frustration. Je suis sûre que le fait que ses compagnons de chemin se mettent en route y est pour quelque chose. Le fait que tous ces pèlerins, où qu'ils soient, se lèvent tous les matin pour avancer vers une même destination doit également générer un flux énergétique quelconque, qui exerce un évident magnétisme chez le pèlerin en chemin… Les sourires sur tous les visages et la sensation de bien-être généralisée doivent en être un directe conséquence. Et donc, de la même manière qu'il est difficile de descendre d'un train en marche, il est, je pense, difficile pour le pèlerin de s'arrêter. Mais bon, j'étais convaincue par les sages paroles de maitre Chris et j'avais donc prévu de m'arrêter une journée de plus à Burgos.
Manque de bol (coup de chance ?), Burgos fait la teuf. Fanfares, grands verres de sangria, les filles se sont faites belles, les hommes sont à l'affût, ça parle fort, ça rit, ça veut oublier sa vie… Toute cette liesse est bien sûr à l'opposé de la vie rangée du pèlerin et c'est donc assez joyeuse que je quitte une Burgos qui ne s'est pas encore couchée au petit matin. Mon objectif est d'atteindre San Bol. Chris m'en a parlé plusieurs fois : une oasis au milieu du désert, une peupleraie au milieu de la meseta espagnole… tenue par des baba cols. Je vais pouvoir planter ma tente et mouler pendant deux jours. Ca fait quand même 27 bornes et la journée va donc être longue.
Je fais une première pause à 10 Km. Azucena m'a envoyé un email : navrée de m'avoir ratée à Burgos, elle s'est remise en route ce matin… ce qu'elle ne sait pas, c'est que je suis à 3 Km derrière elle. Je ris sous cape, ravie de lui faire la surprise… Je la rejoins à Hornillas del Camino mais elle dort déjà… et il me reste 6 Km à faire. Comment ai-je appris qu'elle dormait ? Oh ben simple : je me retrouve à me poser au seul bistrot d'Hornillas avec une bande de pèlerins. Quand je leur dis mon prénom, tous bondissent : "Tu es la française ! L'amie d'Azucena ! Il faut la prévenir !". J'étais toute émue, toute cette notoriété impromptue ! Il semble qu'Azucena leur a parlé de moi toute la semaine. Bref, sachant que les retrouvailles sont désormais proches, je me remets en route pour six interminables kilomètres.
Quand je finis par apercevoir San Bol, je crois à un mirage. C'est encore plus beau que ce que Chris m'avait décrit. Je me vois déjà en train de glander pendant deux jours… Mes rêves seront de courte durée : les propriétaires ont changé, l'hospitalière est exécrable. Elle m'annonce qu'il est désormais interdit de camper (quel gâchis ! l'endroit est FAIT pour ça !) et, en outre, tous les lits sont pris ! Complet ! Aucune flexibilité chez cette cubaine en CDD, aucun esprit de camino, rien à foutre ! Que mon bouquin (dernière édition) dise que le bivouac est autorisé ne l'émeut pas une seconde. La solution qu'elle me propose après 27 bornes dans les pattes ? Marcher encore 5 Km jusqu'au prochain village… Mais bien sûr ! Du coup, je joue la politique du temps. Comme elle m'a dit qu'elle préparait le diner et partait… j'ai simplement attendu qu'elle parte. Et j'ai finalement dormi à l'intérieur, par terre, grâce à mon tapis de sol ainsi qu'un autre, prêté par une gentille pèlerine britannique.
Au milieu de la nuit, l'un des pèlerins a fait un cauchemar monumental, s'est réveillé en hurlant, fort et longtemps, entrainant dans son sillage trois autres absolument terrorisés. Au matin, il m'a dit avoir rêvé qu'un démon essayait d'entrer en lui. J'ai lu peu après que le refuge de San Bol était construit sur les vestiges d'une léproserie. Lien ?
A 4h30 du matin, les deux premiers se mettent en route : des coréens. Ils ne supportent pas la chaleur et le soleil… L'Espagne en juillet ? Excellent choix les gars.
Puis ce fut une succession de départs. Le mien se fit vers 6h40. Seuls restaient au gite les quatre jeunes britanniques, dont le cauchemardeux, qui ne réussirent à décoller qu'à 8h00. C'est au village suivant que je retrouvais tout le monde, y compris Azucena. Embrassades et rigolades ! L'étape suivante de la journée est le monastère de San Anton, en ruines. Depuis 10 ans, sur initiative privée, un gite s'y est gentiment construit, sans eau chaude ni électricité mais magnifique endroit tout de même, qui force la halte pour en profiter un peu.
Puis c'est la dernière remise en route de la journée : encore 4 Km pour rejoindre Castrojeriz, très très joli village entouré par la meseta qui s'agite au vent, soulevant des tonnes de poussière. Petite étape pour moi : 14 Km, presque un jour de repos ! 20 Km pour ceux qui étaient restés à Hornillas. On atterrit tous au gite municipal, en système "donativo" ; on donne ce qu'on veut, ce qu'on peut. L'hospitalier est Maurizio, romain sur le chemin depuis 25 ans, heureux d'y vivre au jour le jour. Franchement, quand on voit les têtes de ces gens depuis longtemps sur le Camino, on se demande pourquoi le monde court après l'argent… Alors qu'en fait il suffit de marcher, mettre un pied devant l'autre, pour être heureux.
Il est 21h30, il faut que je me couche. L'étape de demain fait 25 Km et il faut donc partir tôt. 6h serait une bonne idée… je vais donc me coucher ! Bonne nuit !
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